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Cette splendide nouvelle de Dürrenmatt appliquait une esthétique du miroir de manière subtile et avisée, dans l'innovation vis-à-vis du mythe en ce qui concerne les parois transparentes, dans le fonctionnement des personnages les uns par rapport aux autres, dans la mise en oeuvre d'un procédé d'écho dans le texte, par la création d'un "mythe du labyrinthe" proche de "l'allégorie de la caverne" de Platon, par le détournement du mythe antique. Nous avons pu distinguer aussi un jeu chorégraphique perpétuel, dans le fragile équilibre du labyrinthe, lors des rencontres des personnages, par le biais d'une "danse des mots", par une téméraire interprétation du "je" du minotaure et du "tu" de Thésée. L'auteur exposait le problème et la réalisation d'un labyrinthe de l'écriture, comme une tragédie désamorcée, en considérant le Minotaure comme fil d'Ariane du récit, le tout souligné par un petit schéma récapitulatif. Nous avons aussi abordé le motif d'un Minotaure en questionnement, qui se cherche, en proie au solipsisme, qui entame son expérience empirique, qui fait activement bien qu'involontairement partie du curieux trio Minotaure-Pasiphaé-dieu Soleil, qui constitue à lui seul une mise en abyme du labyrinthe. Nous avons terminé en évoquant quelques thèmes et images dont les couleurs, les éléments bachelardiens, les objets significatifs du récit, puis avons évoqué quelques chiffres intéressants.
Pour aller plus loin, on pourrait dire que la manière nouvelle de voir le mythe qu'utilise Dürrenmatt est liée à sa vision du monde. En effet, à travers une écriture volontairement simplifiée, épurée, on assiste à un véritable drame moderne d'une humanité dénaturée, de l'incommunicabilité du monde telle que l'auteur la ressent. Jean Mortier disait, dans l'article Dürrenmatt de l'Encyclopédie Universalis, qu'"il y a, chez Dürrenmatt, du Gargantua et du Claudel". Dans notre nouvelle, c'est la tendance "Claudel" qui transparaît le mieux. La réécriture du mythe de Thésée devient l'allégorie d'un monde difficile à cerner.