3. Du miroir au narcissisme

 

Chez Gide, les miroirs sont récurrents et deviennent des motifs familiers, qu’ils soient explicites ou non, réels ou symboliques. La portée d’un livre se fonde pour lui en partie sur ce qu’il est capable de nous renvoyer de vérité sur nous-mêmes, de la manière par laquelle sa réflexion nous mènera à réfléchir. Dans Prétextes, Gide essaie de s’en expliquer :

« Sa puissance [d’une parole lue dans un livre] vient de ceci qu’elle n’a fait que me révéler quelque partie de moi encore inconnue à moi-même ; elle n’a été pour moi qu’une explication – oui, qu’une explication de moi-même. On l’a dit déjà : les influences agissent par ressemblance. On les a comparées à des sortes de miroirs qui nous montraient, non point ce que nous sommes déjà effectivement, mais ce que nous sommes d’une façon latente[1]. »

Cette vision de la littérature témoigne des convictions gidiennes selon lesquelles l’homme est le fruit d’innombrables influences auxquelles il aura été plus ou moins sensible et disponible. On ne fait jamais, pour se découvrir soi-même, que de tenter de déchiffrer son propre palimpseste, d’essayer de distinguer à la lumière de l’expérience vers quels horizons s’incline notre être profond. Poursuivant l’idée d’un “homme-miroir”, reflet de ce qui l’entoure, Gide imagine, dans les nouvelles Nourritures un dialogue libre et amical avec Dieu qui énonce sa vision de l’homme comme révélateur de la création tout entière :

« c’est dans le cerveau de l’homme que tout l’épars prend nombre ; car sons, couleurs, parfums, n’existent que dans leur relation avec l’homme ; et l’aurore la plus suave, le chant du vent le plus mélodieux, et les reflets du ciel sur les eaux, et les frémissements des ondes, ne sont que vains propos en l’air, tant que non recueillis par l’homme et aussi longtemps que les sens de l’homme n’en ont point fait de l’harmonie. C’est sur ce sensible miroir que ma création tout entière infléchie se colore et s’émeut[2]… »

Gide est peut-être cette sorte de Dieu au niveau de ses œuvres et dans lesquelles ses personnages se font écho les uns aux autres tout en reflétant finalement leur créateur. Dans El Hadj, le prince a besoin d’un intermédiaire entre le peuple et lui car  il doit rester dérobé à la vue du commun des hommes. Il choisit El Hadj pour ce rôle et l’institue symboliquement miroir de lui-même pour le peuple par la vue et par la voix, et véritable garant de leur d’alliance :

« Cette nuit, quand, sous la tente à peine éclairée, je [El Hadj] le [le prince] revis, il était las :

“Prince, lui dis-je, il faut un gage d’alliance, de ton alliance avec moi ; qu’à défaut de toi je possède et dans le cours du jour je puisse regarder.

— Comment, répondait-il, El Hadj, ne comprends-tu pas que toi-même es gage d’alliance entre le peuple et moi ? et qu’entre toi et moi il ne peut y avoir aucun signe, puisque à toi je ne suis point caché[3]. »

La fascination de Gide pour le reflet ne se dément pas et existe à de multiples degrés, du plus évident au plus complexe, voire le plus improbable. Dans Si le grain ne meurt, Gide raconte la scène quotidienne au cours de laquelle sa mère se fait coiffer par Marie. La scène est intéressante puisqu’elle mêle différents jeux de regards et annonce ce que seront certaines de nos scènes-types où les personnages s’admirent, s’observent mutuellement, à la dérobée ou non, par alternances successives :

« Marie commençait de coiffer ma mère ; […]. Maman, recouverte d’un peignoir blanc, s’asseyait, bien au jour, devant la fenêtre. En face d’elle, et de manière qu’elle s’y pût mirer, Marie dressait une glace ovale échassière, articulée, montée sur tige de métal à trépied, qui se haussait à volonté ; un minuscule plateau rond ceinturait la tige, sur lequel peignes et brosses étaient posés. Ma mère, alternativement, lisait trois lignes du Temps de la veille au soir, qu’elle tenait en main, puis regardait dans le miroir. Elle y voyait le dessus de sa tête et la main de Marie armée du peigne ou de la brosse, qui sévissait ; quoi que fît Marie, c’était avec l’apparence de la fureur.

— Oh ! Marie, que vous me faites mal ! geignait maman.

Je lisais vautré dans un des deux grands fauteuils qui, de droite et de gauche, encombraient les abords de la cheminée (mastodontesques fauteuils de velours grenat, dont la monture et la forme même se dissimulaient sous l’intumescence du capiton).  Je levais un instant les yeux vers le beau profil de ma mère ; ses traits étaient naturellement graves et doux, un peu durcis occasionnellement par la blancheur crue du peignoir et par la résistance qu’elle opposait, quand Marie lui tirait les cheveux en arrière.

— Marie, vous ne brossez pas, vous tapez !

Marie s’arrêtait un instant ; puis repartait de plus belle. Maman laissait alors glisser de dessus ses genoux le journal et mettait ses mains l’une dans l’autre en signe de résignation, de cette manière qui lui était familière, les doigts exactement croisés, à l’exception des deux index, arqués l’un contre l’autre et pointant en avant[4]. »

L’attention constante de Marie pour son ouvrage est ponctuée de brefs coups d’œil vérificateurs de la mère, et la scène entière est scrutée régulièrement par Gide, tiré de sa lecture. Il en ressort une sorte de parcours rythmé et balisé par les regards de la mère, sur lequel vient se greffer l’intervention unique de la contemplation enfantine. Ainsi, Gide organise une scène à la manière des poupées russes : la mère s’observe et surveille son apparence, Marie travaille attentivement (bien que rudement) et son attention est entièrement retenue par sa maîtresse, et le jeune Gide embrasse la scène de façon globale puis se recentre sur le visage de sa mère, objet de toutes les convergences visuelles. L’enfant semble y découvrir par procuration le plaisir esthétique lié à sa propre contemplation. Cet épisode tout juste banalement narcissique préfigure l’intérêt qu’aura Gide pour sa propre image reflétée par les autres. Dans Paludes, le narrateur se voit obsédé par sa propre création que tout lui renvoie :

« Il me semble que je porte toujours Paludes avec moi. — Paludes n’ennuiera personne autant que moi-même… […] Je le laisse ici ; je le retrouve là ; je le retrouve partout ; la vue des autres m’en obsède et ce petit voyage ne m’en aura pas délivré[5]. »

De la fascination du reflet à l’attrait du miroir, la distance n’est pas grande et chez Gide, le développement d’un narcissisme très personnel trouve racine non seulement en lui-même mais aussi chez autrui. Dans Les Cahiers et les Poésies d’André Walter, une scène semble exposer de nombreux motifs chers à Gide comme l’hypnotisme du reflet, la menace du double, l’autre soi-même, la lâcheté du regard, une sorte de narcissisme quasi-fantastique :

« La nuit, devant la glace, j’ai contemplé mon image. Comme surgie de l’ombre, la fragile apparition se modèle et s’immobilise ; autour de moi, dans l’ombre éclairée, des profondeurs de ténèbres s’enfoncent. Je plonge mes yeux dans ces yeux : et mon âme flotte incertaine entre cette double apparence, doutant enfin, comme étourdie, lequel est le reflet de l’autre et si je ne suis pas l’image, un fantôme irréel ; — doutant lequel des deux regarde, sentant un regard identique répondre à l’autre regard. Les yeux l’un dans l’autre se plongent, — et, dans ses prunelles profondes, je cherche ma pensée…

Allain a jeté sur l’image un grand drap étendu ; — dessous elle est emprisonnée, — je ne la vois plus — mais je la sens vivante encore sous le drap, derrière le verre ; — par crainte de son regard, je n’ose soulever le voile et je la sens quand je me tourne, qui me regarde ; c’est un souffle entre les épaules.

Exaspéré, il la crèverait, — mais la peur le retient de trouer aussi le fantôme et que le néant n’apparaisse derrière l’apparence brisée[6]. »

Le trouble gagne celui qui se confronte à son reflet tout en conservant lucidement la conscience de son identité. Une sentence Zen résume de manière concise ce sentiment :

« Comme en vous contemplant dans le miroir :

la forme et le reflet se regardent.

Vous n’êtes pas le reflet

mais le reflet est vous[7]. »

L’attrait du miroir, le besoin d’avoir un retour de sa propre image existe et se perpétue dans toute l’œuvre de Gide mais d’abord dans sa vie. Dans Si le grain ne meurt, Gide rappelle son souci de l’apparence et se décrit avec sincérité comme obnubilé par son image, celle de sa vraie personnalité :

« Depuis que j’avais posé pour Albert (il venait d’achever mon portrait), je m’occupais beaucoup de mon personnage ; le souci de paraître précisément ce que je sentais que j’étais, ce que je voulais être : un artiste, allait jusqu’à m’empêcher d’être, et faisait de moi ce que l’on appelle : un poseur. Dans le miroir d’un petit bureau-secrétaire, hérité d’Anna, que ma mère avait mis dans ma chambre et sur lequel je travaillais, je contemplais mes traits, inlassablement, les étudiais, les éduquais comme un acteur, et cherchais sur mes lèvres, dans mes regards, l’expression de toutes les passions que je souhaitais d’éprouver. Surtout j’aurais voulu me faire aimer ; je donnais mon âme en échange. En ce temps, je ne pouvais écrire, et j’allais presque dire : penser, me semblait-il, qu’en face de ce petit miroir ; pour prendre connaissance de mon émoi, de ma pensée, il me semblait que, dans mes yeux, il me fallait d’abord les lire. Comme Narcisse, je me penchais sur mon image ; toutes les phrases que j’écrivais alors en restent quelque peu courbées[8]. »

 

Il s’établit un véritable dialogue entre Gide et son reflet. Le miroir est d’abord un outil qui permet de surveiller, de cultiver, de modeler ses traits pour parfaire et naturaliser les émotions exprimées. Puis survient une sorte de « phantasme de Dorian Gray » au cours duquel Gide manifeste son désir d’acquérir un dehors aimable, fût-ce au prix de son « âme », c’est-à-dire de l’intégrité de sa pensée, de sa nature profonde. Enfin, le miroir permet la dépersonnalisation du sujet qui s’y expose et autorise une sorte de conversation visuelle. Gide devient le premier de ses observateurs, le plus attentif scrutateur de son être et de sa pensée. La fascination de la conscience de sa propre existence le préoccupe et le passionne. Au-delà de l’image extrêmement connue et presque caricaturale d’un Gide écrivant et réfléchissant devant son miroir, traquant la moindre émotion poignant sur son visage, on peut déjà lire ici l’aveu d’un certain narcissisme qui sera repris pour être dépassé un peu plus loin :

« Non, l’ami qu’il m’eût peut-être fallu, c’est quelqu’un qui m’eût appris à m’intéresser à autrui et qui m’eût sorti de moi-même, un romancier[9]. »

Si Gide apprécie de s’appliquer interminablement son propre regard, c’est aussi qu’il se sent observé, et cela de façon parfois presque mystique. Émerge alors l’idée d’un narcissisme délégué et assumé par des consciences étrangères, mais s’appliquant pourtant encore à l’auteur. Gide demeure le centre et le point de convergence de tous les regards, y compris de ses proches, mais ces derniers sont finalement réappropriés. Dans Les Cahiers et les Poésies d’André Walter, il précise par la bouche d’Allain ce sentiment d’être scruté et côtoyé par sa famille :

« Allain songe :

“Emmanuèle n’est pas la seule ; ma mère encore et Lucie, toutes les âmes aimées errent autour de moi et me contemplent.”

Il en a une grande joie. Il peuple sa solitude des êtres disparus aux regards familiers[10]. »

Plus loin, ce sentiment ressemble davantage à une sorte d’extase :

« J’ai prié toute la nuit, à genoux, sans me retourner. Je n’ose dormir — ô l’effroi des sombres ténèbres ! deuil des visions disparues. La terreur des témoins qu’autrefois j’invoquais. — Se cacher… ô leur regard qui se courrouce contre le faible enfant de la terre ! Comme il est triste, leur regard ! comme il est triste[11] ! »

Cette interrogation sur l’impression d’être continuellement observé rejoint la réflexion de Gide sur sa propre existence, comme si le regard des autres conditionnait toute possibilité d’action. Dans ses nouvelles Nourritures, il écrit :

« — mais avant d’agir, j’ai besoin de savoir pourquoi je suis sur cette terre, si Dieu existe et s’il nous voit, car dès lors il m’est indispensable qu’il m’aperçoive[12] ».

Dès lors que Gide concède une certaine autonomie à un observateur – c’est le cas avec Dieu –, sa préoccupation première le rattrape et le pousse une fois de plus à s’interroger sur sa « visibilité » et à affirmer son credo : on me voit donc je suis.

Les rapports que Gide entretient avec ses semblables peuvent parfois paraître purement utilitaires. Nous allons voir que si Gide apprécie surtout ses amis pour ce qu’ils lui apportent, il leur reconnaît tout de même un intérêt bien supérieur à sa propre personne. Il s’en explique dans Si le grain ne meurt :

« Au demeurant j’admirais mes amis plus encore que moi-même ; je n’en imaginais pas de meilleurs. Cette sorte de foi que j’avais en ma prédestination poétique me faisait accueillir tout, voir tout venir à ma rencontre et le croire providentiellement envoyé, désigné par un choix exquis, afin de m’assister, de m’obtenir, de me parfaire[13]. »

L’importance des amis est aussi révélée dans L’Immoraliste puisque Michel fait appel à eux pour pallier son absence de volonté et de lucidité. Liés ensemble par un pacte de fidélité et de sincérité, ce sont eux qui entendent le récit de Michel, le prennent en charge et lui prodiguent une certaine absolution morale après la mort de Marceline.

Dans In Memoriam Oscar Wilde[14], Gide conte quelques-uns de ses souvenirs de Wilde et notamment cette anecdote qui pourra éclairer notre étude :

« Le repas fini, nous sortîmes. Mes deux amis marchant ensemble, Wilde me prit à part :

— “Vous écoutez avec les yeux, me dit-il assez brusquement. Voilà pourquoi je vous raconterai cette histoire :

“Quand Narcisse fut mort, les fleurs des champs se désolèrent et demandèrent à la rivière des gouttes d’eau pour le pleurer. — Oh ! leur répondit la rivière, quand toutes mes gouttes d’eau seraient des larmes, je n’en aurais pas assez pour pleurer moi-même Narcisse : je l’aimais. — Oh ! reprirent les fleurs des champs, comment n’aurais-tu pas aimé Narcisse ? Il était beau. — Était-il beau ? dit la rivière. — Et qui mieux que toi le saurait ? Chaque jour penché sur ta rive, il mirait dans tes eaux sa beauté…”

Wilde s’arrêtait un instant…

— “Si je l’aimais, répondit la rivière, c’est que, lorsqu’il se penchait sur mes eaux, je voyais le reflet de mes eaux dans ses yeux[15].” »

La parabole de Narcisse et de la rivière dont les regards se croisent pour revenir sans jamais prêter attention à celui qui reflète, a dû faire réfléchir Gide sur sa propre condition, sur les liens qu’il établissait avec autrui. On ne peut que rester admiratif devant la formidable lucidité de Wilde dans sa tentative de cerner au plus près l’inclassable Gide, de le placer allégoriquement face à sa spécificité d’auteur et d’homme. Gide est cependant tout à fait conscient des limites de son propre altruisme, comme de celui des autres de façon générale. Il sait bien que même lorsqu’on semble s’intéresser à autrui, c’est toujours ses propres interrogations qu’on propose, sa propre vérité qu’on recherche. Ainsi, il écrit dans son Journal : « Savoir se mettre “à la place des autres”… Mais c’est toujours soi qu’on y met. ». L’observation de ce qui nous est extérieur ne vise qu’à affiner la perception que nous avons de notre propre existence. Gide, en tant que lecteur assidu et insatiable, fonctionne de la même façon dans son approche des classiques ou des contemporains. Ils semblent les parcourir et les sonder pour mieux extraire d’eux de nouvelles vérités personnelles, pour parfaire et étoffer son autoportrait.

Cependant, il faut relativiser cette sorte d’ingratitude égocentrique que semble nourrir Gide pour son prochain puisqu’il tente de l’aborder comme sa propre personne, avec autant de disponibilité que possible, sans préjugés, ni à priori. Dans le Journal des Faux-Monnayeurs, il explique la raison fondamentale de cette nécessité :

« Chaque être ne comprend vraiment en autrui que les sentiments qu’il est capable lui-même de fournir[16]. »

L’intérêt pour soi-même devient progressivement un intérêt pour les autres comme le confirme cette déclaration dans Les nouvelles Nourritures :

« Au demeurant, je me sentais moins curieux de moi que d’autrui, ou plutôt : le désir charnel travaillait sourdement vers une confusion charmante, et me précipitait hors de moi[17]. »

Dans L’Etre et le Néant, Sartre propose l’idée d’une vision extérieure qui permet l’élaboration de sa propre personnalité, comme si Gide avait besoin du regard des autres pour mieux se cerner lui-même :

« Il suffit qu’autrui me regarde pour que je sois ce que je suis. Non pour moi-même, certes : je ne parviendrai jamais à réaliser cet être-assis que je saisis dans le regard d’autrui, je demeurerai toujours conscience ; mais pour l’autre[18]. »

Gide a besoin que le regard d’autrui lui donne des contours. Il semble pourtant que sa véritable leçon, sa recommandation la plus profonde soit d’abord celle qu’on peut lire dans l’avant-propos des Nourritures terrestres ; c’est-à-dire l’appel à une curiosité essentielle de soi puis, par son propre effacement, du reste du monde et donc des autres :

« Que mon livre t’enseigne à t’intéresser plus qu’à toi qu’à lui-même, — puis à tout le reste plus qu’à toi[19]. »

A l’intérieur des œuvres de Gide, on peut retrouver des échos plus ou moins nets du motif narcissique. C’est le cas dans La Tentative amoureuse où des jeunes filles vont se contempler dans les eaux d’une rivière :

« Folles et par l’herbe trempées, et les cheveux encore défaits de la nuit, elles cueillirent des fleurs toutes, et, levant leur jupe en corbeille, laissèrent danser leurs pieds nus. Puis, de leurs rondes vite lassées, elles descendirent au bas du pré, vers les sources, s’y laver, s’y mirer, s’apprêter pour les plaisirs du jour.

En se quittant, chacune oublia ses compagnes[20]. »

Cette dernière phrase nous rappelle la parabole de Wilde sur Gide et accentue ce sentiment de solitude et d’oubli devant son propre regard, sa propre image reflétée de façon purement parallèle. Ici, le groupe de jeunes filles n’est jamais qu’une seule jeune fille dupliquée et diffusée — peut-être par les eaux de la source — et dont les actions sont similaires et synchronisées à celle de ses copies.

Dans El Hadj, la lune est personnifiée et semble admirer son reflet :

« Oh ! que ce soit où la saignante lune, berger du ciel, avant de paître va se laver.

Au bord des eaux, dans de vastes jardins, comme une amante au soir des noces, elle se pare ; elle se regarde dans l’eau[21]. »

Les manifestations de la réplication chez Gide sont variées et relèvent davantage de l’opposition que de la multiplication, qu’il s’agisse d’un autre soi-même ou d’une image inhabituelle de la réalité. Ainsi, la réfraction du regard entraîne toujours une réflexion sur les conditions de notre vision et sur les problèmes qu’elles supposent. Par le jeu du miroir, ce qui paraissait opposé semble se rapprocher : c’est la ressemblance des contraires qui est mise en relief.



[1] p. 14, Prétextes.

[2] p. 204, NN.

[3] p. 355, El Hadj.

[4] pp. 154-155, SGNM.

[5] p. 140, Paludes.

[6] pp. 132-133, C&P d’André Walter.

[7] Hokyo Zan Mai : « Le Samadhi du miroir du trésor », Maître Tozan. Extrait de « Paroles Zen », p. 13, textes recueillis par Marc Smedt, chez Albin Michel, Carnet de Sagesse.

[8] pp. 234-235, SGNM.

[9] p. 260, ibid.

[10] p. 132, C&P d’André Walter.

[11] p. 137, ibid.

[12] p. 200, NN.

[13] pp. 258-259, SGNM.

[14] A l’intérieur du recueil Prétextes, Réflexion sur quelques points de littérature et de morale.

[15] pp. 224-225, Prétextes.

[16] p. 54, Journal FM.

[17] p. 213, NN.

[18] p. 77. Voir aussi pp. 311-323 de L’Etre et le Néant, Gallimard, selon la référence que donnent M. Beigbeder et G. Deledalle.

[19] p. 15, NT.

[20] p. 73, La Tentative amoureuse.

[21] p. 350, El Hadj.