Résumé en français

Les rapports qu’entretient André Gide avec la représentation visuelle, sont aussi riches que complexes. Ils traversent toute son œuvre et s’expriment sous la forme d’une esthétique de la division. Ainsi, l’image à l’origine purement informative, semble évoluer à l’intérieur de l’« œuvre-vie » d’un auteur véritablement protéiforme, se dérober vers une réalité plus confuse, et gagner en profondeur, en signification. De ce support unique et constant que le regard de l’observateur cerne sans difficulté et sans ambiguïtés, Gide propose une utilisation fragmentaire ; d’une vitre transparente et homogène, il élabore une mosaïque riche d’une infinité de couleurs, de formes, de possibles. Les limites de cette vision kaléidoscopique sont pourtant bien présentes et viennent troubler la bonne conscience de l’observateur. Voir devient une expérience personnelle et intime qui, par le biais des jeux de double et de reflets mène à l’introspection. Cette profonde connaissance de soi n’est chez Gide qu’un moyen de mieux s’ouvrir au monde des êtres et des choses. Une fois la déception du regard du corps assumée, ses limites éprouvées, ses contradictions mises à jour, commence à se faire jour la subtile éthique de l’image gidienne. La cécité donne accès à la vision de l’esprit, celle qui voit juste et qui ne se laisse pas abuser par les apparences. Le vrai regard est celui qui ne se pose jamais définitivement, celui qui sait rester nomade tout en s’interrogeant inlassablement et avec humilité sur la réalité de ce qu’il perçoit.