Les parois vitrés


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A la lecture de cette nouvelle, l'on est très vite frappé par tout un jeu de miroirs que l'auteur installe au fil des pages. Cette esthétique est d'autant plus déroutantes qu'elle est inhabituelle. En effet, on peut considérer comme innovation de Dürrenmatt par rapport au mythe le fait d'avoir rendu transparentes, ou tout au moins réfléchissantes, les parois du labyrinthe. Cette précision nous est mentionnée dès la fin de la très longue première phrase de la nouvelle : "un ouvrage dont personne ne pouvait ressortir une fois qu'il avait pénétré dans l'enchevêtrement de ses innombrables parois de verre". Cette invention se retrouve de manière plus subtile dans Qui n'a pas son Minotaure ? de Yourcenar et va donc nous éclairer quant au sens qu'on peut lui donner : c'est bien devant lui-même, ou plutôt face à une série de reflets visant à le représenter, que se retrouve Thésée après avoir pénétré le labyrinthe. L'aspect visuel si présent et si important chez Dürrenmatt est délaissé chez Yourcenar au profit d'un reflet uniquement moral, voir émotionnel. Les murs vitrés vont donc permettre la mise en oeuvre de toute une esthétique du reflet avant toutes les variations, au sens musical plus que littéraire, que cela pourra motiver. Nous décèlerons tout au long de la nouvelle des jeux, parmi une foule, de renversement, de réplication, de fausse collectivité, d'écho visuel, de réflection sonore, d'imitation et parfois même d'abbération. Nous nous devons aussi de mettre à jour une autre facette qu'engendre cette modification du mythe, qui est la signification profonde de la vitre comme objet translucide. En effet, une paroi du labyrinthe devient le comble de l'objet égarant, que seul le regard parvient à traverser pour en retirer tout au plus une image multiple associée à une réalité défective. Voici donc ce qui émane d'une modification du mythe, d'apparence infime mais qui va rendre possible l'élaboration de tout un réseau de sens plus ou moins significatifs.